Wahou, j’ai un retard de dingue dans les news que je vous envoie après 4 MOIS. Je suis prise dans le grand tourbillon et je pourrais bosser jour et nuit….d’ailleurs je suis crevée et je pars en break pour quelques jours. Promis, je vais m’y remettre. Y a tellement de choses à vous raconter…Bon alors je vous envoie déjà ce petit bout de carnet qui me semble toujours bien futile quand je le relis par rapport à ce qui se passe ici…
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Toujours dans des starting-blocks
On ne sait toujours pas ce qui va se passer et les statistiques jouent avec nos nerfs : c’est le yoyo au niveau des admissions d’enfants dans le programme MSF. Personne ne peut dire si la malnutrition va flamber cette année comme l’an passé à la même période…mais on est quand même déjà au dessus de toutes les prévisions...
C’est assez horrible d’entendre les autorités dire, cette année ce sera une crise « normale ». Ha oui accueillir 100 000 enfants de moins de 5 ans malnutris sur la seule région de Maradi, c’est « normal ». MSF parle d'épidémie de "malnutrition".
Toujours dans des starting-blocks
On ne sait toujours pas ce qui va se passer et les statistiques jouent avec nos nerfs : c’est le yoyo au niveau des admissions d’enfants dans le programme MSF. Personne ne peut dire si la malnutrition va flamber cette année comme l’an passé à la même période…mais on est quand même déjà au dessus de toutes les prévisions...
C’est assez horrible d’entendre les autorités dire, cette année ce sera une crise « normale ». Ha oui accueillir 100 000 enfants de moins de 5 ans malnutris sur la seule région de Maradi, c’est « normal ». MSF parle d'épidémie de "malnutrition".
Le boulot
Je veille particulièrement sur les embauches et le respect des procédures de recrutement. Pour les payes on ne fait plus une enveloppe par salarié mais par site. Au départ, j'ai eu très peur que cela entraine des erreurs mais finalement ça a marché et ça nous fait gagner un temps fou. Globalement j'alerte Paris sur le volume de travail et sur le fait que seule... c'est vraiment trop gros. J'aimerais du renfort, un autre admin par exemple. Plusieurs fois, une arrivée est annoncée puis annulée...
Histoire de caisse suite
Suite au « départ » d’Aliou avec la caisse sous le bras, j’embauche une fille et ça ne se passe pas bien. Elle camoufle ses erreurs en cachant les surplus dans une enveloppe et j’ai besoin de quelqu’un qui ait plus d’enthousiasme. A la fin de sa période d’essai, on arrête car ça plombe l'ambiance de l'équipe.
Et là, je prends un risque mais qui porte ses fruits : je propose à Amina, une des filles qui m’aide pour les dossiers du personnel de devenir caissière. Elle ne peut plus exercer son travail d’infirmière depuis un accident de mobylette…j’ai un vrai feeling avec elle. Elle apprend vite, fait beaucoup d’erreurs mais recommence jusqu’à ce que tout soit parfait. Je vérifie son cahier de caisse tout les jours. Très vite, elle devient excellente, toujours calme et posée, aimée et respectée des gens (elle voit du monde toute la journée). Je prends un réel plaisir à la voir s’épanouir dans cette nouvelle vie. Sa présence, sa douceur et sa bonne humeur m'ont un peu sauvé la vie.
Manager
Ca me fait penser que je m’éclate vraiment en tant que « manager ». J’ai compris que ma vraie valeur ajoutée était là : orchestrer, répartir les tâches, décider, donner les moyens et les outils à chacun pour que ça marche. Je vois l'équipe changer, évoluer, prendre de l’assurance, s’approprier des sujets. Tous adorent la réunion du lundi matin où je note sur un grand tableau ce que chacun va faire pendant la semaine. Je fais aussi plein d'erreur mais j'apprends. Les 7 années en entreprise m'aident.
Ca me fait penser que je m’éclate vraiment en tant que « manager ». J’ai compris que ma vraie valeur ajoutée était là : orchestrer, répartir les tâches, décider, donner les moyens et les outils à chacun pour que ça marche. Je vois l'équipe changer, évoluer, prendre de l’assurance, s’approprier des sujets. Tous adorent la réunion du lundi matin où je note sur un grand tableau ce que chacun va faire pendant la semaine. Je fais aussi plein d'erreur mais j'apprends. Les 7 années en entreprise m'aident.
Désormais, je délègue tout le boulot aux autres et prends des décisions en me basant beaucoup sur leurs connaissances. Au début c’est dur : mon équipe est un peu passive, ne parle pas. Ils ne me disent pas ce qu’ils pensent, ne proposent rien pour améliorer quoi que se soit.
Dur d’être employeur et humanitaire
Comme je le disais, je suis souvent tiraillée entre mon rôle d’humanitaire et d’employeur : on est une association humanitaire mais on n’est pas là pour créer un pôle d’emploi et embaucher les gens pour les aider. Le budget doit être utilisé au mieux pour la malnutrition. Je dois parfois venir licencier des gens qui ne travaillent pas bien ou parce qu’on n'a plus besoin d’eux. On évite que des superviseurs nigériens aient à le faire parce que ça les expose trop vis-à -vis de leurs collègues.
Comme je le disais, je suis souvent tiraillée entre mon rôle d’humanitaire et d’employeur : on est une association humanitaire mais on n’est pas là pour créer un pôle d’emploi et embaucher les gens pour les aider. Le budget doit être utilisé au mieux pour la malnutrition. Je dois parfois venir licencier des gens qui ne travaillent pas bien ou parce qu’on n'a plus besoin d’eux. On évite que des superviseurs nigériens aient à le faire parce que ça les expose trop vis-à -vis de leurs collègues.
Il fait chaud, on s’assoie sous un abri et j’explique qu’on va arrêter le contrat de travail. J’espère à chaque fois que la personne ne se mette pas à pleurer. Ici, un travail c’est une chance, on est prêt à tout pour travailler et gagner de l’argent. Parfois, quand j’arrive à trouver les bons mots, certains me remercient. Ils savent que je les rappellerais sans doute plus tard si l’occasion se présente.
Gestion de projet
Concernant la gestion de projet, ce qui est quand même mon métier, c’est très difficile. Simplement parce que l’équipe change perpétuellement (on reste 3 mois, 6 mois,…), que le contexte est compliqué, et que les gens n’ont pas l’habitude de prévoir. Les choses sont à faire dans l’urgence, à la dernière minute…
J’ai souvent l’impression qu’on pourrait mieux prévoir, planifier et que finalement tout est toujours à faire pour hier, à la course. On est nombreux, chacun fait de son mieux et c’est pas mal non plus de ne pas s’installer dans une routine planifiée.
C'est Noël
Ce qui est variemnt génial c'est les colis qui arrivent pour nous ! Souvent nos familles et amis font parvenir de la bouffe essentiellement, des bouquins...et on met tout en commun. Vous verriez l'euphorie que ça génère parfois. Quand on a du saucisson, on installe tout bien pour l'apéro.
J'ai adoré le pain d'épice (merci Claudine que je ne connaissais pas encore à l'époque!). J'ai reçu pleins de crêmes de beauté et pour les pieds (suite à mes précédents carnets de route...). Merci papa, merci maman, merci Romain.
Saison des pluies c’est parti
Je me demandais ce que ça pouvait donner la saison des pluie ici et ben… j’ai vu.
Je me demandais ce que ça pouvait donner la saison des pluie ici et ben… j’ai vu.
D’abord, y a un vent de fou qui se lève instantanément comme si on allumait un ventilateur géant. Tout vole. On croirait la fin du monde. On court partout pour ranger les matériels dehors mais on n'y voit rien parce qu’on a plein de poussière dans les yeux et dans la bouche. On ne voit plus à 3 mètres. Puis ça sent très fort la pluie et ça tombe. On n'a qu’une envie c’est de se mettre dessous. On perd 10 degrés en 10 minutes (ça c’est bien).
Le première fois que ça arrive, je sors de la douche et j’ai mis du beurre de Karité sur la peau (un truc bien gras pour ceux qui ne connaissent pas). Ben après je ressemble à un poisson pané…
Il y a une coupure d’électricité et d’eau. C’est pas très drôle de se retrouver dans le noir complet et de sortir de la salle de bain à tâtons avec du shampoing partout.
Mais c’est un détail par rapport aux conséquences que peut avoir la tempête de pluie sur le programme : des tentes s’écroulent, des balustrades tombent, un abri s’affaisse. Les 4 logisticiens et leurs équipes courent partout entre Maradi et Tibiri pour sécuriser et réparer.
Depuis quelques jours, il n’y a déjà plus d’eau courante ni d’électricité et il faut approvisionner les réservoirs en eau et installer des générateurs pour les soins intensifs (chaîne du froid, machine à oxygène,…). Notre logisticien de Tibiri est sous le choc et pleure ! On peut plus rien tirer de lui et son assistant nigérien le serre dans ses bras en disant « du courrrage patrrron, du courrrage ». C’est un peu comme si on avait déjà plus d’eau et d’électricité dans un hôpital et puis que d’un coup les murs s’écroulaient aussi !
Mais finalement y a pas eu tant de dégâts que ça, en tout cas pas humains. Après, on se regarde, on a la peau et les cheveux gris-sépia comme des petits vieux, on a du sable qui croustille sous la dent et on rigole. On fait la fête le soir pour l’arrivée de la pluie tant attendue malgré tout.
En quelques jours, des petites pousses montrent leur nez dans les champs.
Journée de la femme
Pour cette occasion, un tissu est choisi et c’est l’occasion de se faire faire des vêtements dans ce tissu identique pour toutes les femmes. Je m’y prend trop tard et je suis super jalouse parce que les filles de l’équipe ont des supers vêtements faits sur mesure : des bustiers, des jupes, des débardeurs, des robes…
Moi je suis à la ramasse et demande au tailleur de me faire ce qu’il peut pour le lendemain. Et ben c’est pas sexy mais vachement réussi ! Un haut simple, très ample, à manches longues et une grande encolure. Pour le bas un pagne tout simple. J’ai même le morceau pour la tête ! Quand j’arrive au CRENI dans ma tenue nigérienne, ça plait bien aux nigériennes. Il n’y a que des femmes et on danse.
Moi je suis à la ramasse et demande au tailleur de me faire ce qu’il peut pour le lendemain. Et ben c’est pas sexy mais vachement réussi ! Un haut simple, très ample, à manches longues et une grande encolure. Pour le bas un pagne tout simple. J’ai même le morceau pour la tête ! Quand j’arrive au CRENI dans ma tenue nigérienne, ça plait bien aux nigériennes. Il n’y a que des femmes et on danse.
La vie en communauté
Dans cette vie en communauté, y a perpétuellement des joies et des peines. On est tous très différents en âge, en style, en personnalités,… Beaucoup d’énergie est dépensée à traiter des petites frictions entre nous et ça prend parfois des proportions un peu surdimensionnées.
Je suis partout et nulle part en même temps. Ca me laisse beaucoup de latitude. Mais ceci-dit, je suis donc un peu la personne à qui on confie tout puisque je suis à l’extérieur des histoires. Parfois, je sature un peu mais il faut se soutenir les uns les autres. Photo : Nathalie (infirmière) et Guillaume 1 (logisticien), Stéphane (infirmier)
On a un jeune géographe un peu géo trouve tout qui nous a rejoint pour quelques temps. Il connaît tout sur le Niger, la façon de vivre de la population, leurs problèmes économiques et sociaux, l’organisation sociale, le rôle des femmes, les titres de propriété, l’endettement des familles etc…Dire qu’il a appris tout cela à Paris-Nanterre ! C’est très intéressant parce que ça nous éclaire pour mieux comprendre la crise et prendre du recul.
Petits bobos
Pour moi, ça gaze toujours. On est un peu inquiet parce que Guillaume 1 (photo) a les boules depuis quelques semaines. Mais au sens propre ! Sa gorge enfle de l’intérieur et se « fossilise » en quelques sortes. C’est comme si une main invisible lui serrait la gorge tout le temps. Avec la chaleur qu’il fait et la poussière, avoir la gorge gonflée c’est pas le top.
Microbe, virus, chigungunia nigérien, grippe aviaire, palu, stress, dents de sagesse qui poussent, tendinite de la mâchoire, maraboutage ???? C’est un mystère. Comme y a beaucoup de médecins ici, chacun a essayé un traitement différent et rien n’y fait. Il a bien du tester tout les antibiotiques à larges spectres de la planète maintenant…
J’aimerais pas avoir à pratiquer un trachéotomie (c'est ça non ?) dans la voiture au milieu de la brousse.
Il va donc rentrer à Niamey pour voir si ça passe. Mais si ça s’arrange pas, comme il est tout crevé, il devra rentrer en France et là c’est la merde parce que qui va gérer les milliers de tonnes de bouffe qui arrivent la semaine prochaine ??
LA beauté
Souvent je reste complètement "scotchée" par la beauté que j’ai sous les yeux. Je tourne la tête et paf je suis face à une image. Une de ces images que je cherche quand je voyage : des instants de beauté qui me semblent comme « parfaits ». J’en retire une grande satisfaction. Une beauté simple qui vous bouleverse, vous retourne la tête comme si votre cœur et le temps s’arrêtaient : des silhouettes de femmes qui marchent dans un désert, un éclairage, un instant suspendu.
Et ce qui frappe c’est la simplicité de la beauté, son dénuement. Pourtant en relisant mon carnet de bord, j’avais écrit en arrivant, « ici tout est moche ! ». Ca commençait bien ! Mais c’est un peu comme en Inde, la beauté côtoie l’horreur, la dureté. On commence par voir la poussière, la pauvreté, la saleté, la maladie et puis avec le temps on perçoit la beauté des gens, des situations, des lieux, des éclairages.
Je vous fais plein de bisous. J’ai bien des choses encore à vous raconter…
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