Salut à tous, depuis UNE SEMAINE, je flotte et j’ai l’impression d’être dans un monde parallèle. Il paraît que tout le monde « flotte » quelque temps en arrivant (dixit ceux qui sont là depuis plus longtemps…).
CLIQUEZ SUR LES PHOTOS POUR LES AGRANDIRBienvenue dans la 4ème dimension !
Au moment d’atterrir le 7 mars, j’ai le cœur serré, un gros doute au fond de l’estomac : qu’est-ce que c’est que ce truc ? On est sur le point d’atterrir et on ne voit littéralement rien…le pays est enveloppé dans un nuage géant de poussière sépia. Il m’est arrivé de savoir à l’instant même de l’atterrissage que j’allais aimer le pays sur lequel je posais le pied. Mais là…vraiment je m’interroge. L’air est-il seulement respirable ?
A la sortie de l’avion à l’aéroport de Niamey (la capitale), je retrouve Geneviève, médecin MSF qui débarque en mission comme moi. De nombreux 4X4 rutilants attendent des passagers à la sortie du terminal. Nous, personne ne nous attend…
Un doute s’installe : quelqu’un va-il venir nous chercher ? Doit-on suivre les taxi-men qui nous disent qu’on ne viendra évidemment pas nous chercher ? Et puis un vieux 4X4 MSF tout jaune arrive…c’est parti pour traverser les grandes avenues toutes droites et les petites rues de Niamey jusqu’à la maison MSF.
Bonne arrivée à Niamey
La maison MSF de Niamey, c’est le sas de décompression pour les uns qui transitent par là avant de quitter la mission (ils passent leur temps à dormir avant de rentrer dans leur pays…). C’est aussi le sas de compression pour ceux, qui comme moi, arrivent à la capitale avant d’aller sur le terrain. Pour l’instant, je suis là, au Niger, sans être encore dans le vif du sujet. Il reste une porte à franchir : rejoindre Maradi !
Première nuit sous moustiquaire, premier réveil. J’adore LE premier réveil au matin DU premier jour d’un long voyage. On ouvre les yeux et on se demande où on est. On se dit qu’on a rêvé. Mais la lumière qui perce à travers les persiennes, les bruits étouffés de la rue, même l’air lui même, sont différents…non, ce n’est pas un rêve. Un petit moment d’appréhension face à l’inconnu puis le sourire nait sur mon visage face à cette aventure dans laquelle je me suis lancée. Je regarde autour de moi. Geneviève est aussi sous une moustiquaire, on dirait une chrysalide. Les rayons de soleil semblent nous dire : « debout la dedans, une nouvelle vie est sur le point de commencer ».
Première rencontre avec l’ambiance MSF, les expats, les Nigériens, la rue, l’Afrique. Ma responsable Danielle est une femme Belge d’une cinquantaine d’années qui vit d'habitude en Australie avec son mari. Ils y élèvent des chèvres et produisent de l’huile d’olive. Elle m’accueille et commence à me parler du boulot. Elle a une super pêche et semble très franche. Je pense que je vais beaucoup apprendre d'elle. Mais ce que j’ai constamment en tête c’est : Maradi.
Plongeon dans l'Afrique
La dernière porte est franchie deux jours après (9 mars) : on part pour Maradi avec tout un tas de produits, de matériel et des colis venus de France pour l’équipe…je me demande encore comment on peut charger une telle montagne de trucs.
Maradi, c’est loin, dans la chaleur (10 heures), mais la route est bonne et même goudronnée ! On dépose quelques colis dans des hôpitaux complètement démunis. Premier constat : il n’y a rien ici pour soigner les gens, pas d’équipement, pas de médicament, pas d’hygiène. Seuls quelques lits en Skye cramoisis qui menacent de s’écrouler sous le poids des malades. Je plains cette femme qui vient de subir une césarienne. Elle attend patiemment que ça aille mieux. D’autres me sourient, me lancent des S.O.S de leur regard profond, me montrent leurs blessures. Je ne peux rien pour eux, je ne suis même pas médecin…
On traverse des paysages d’un autre temps : des villages africains en terre glaise au milieu d’une végétation aride, des troupeaux de chèvres et de chameaux, des réservoirs à grains qui ressemblent à de grosses poteries. Dans certains villages ça sent l’oignon à plein nez car ils en cultivent des tonnes !
Bonne arrivée à Maradi
On arrive enfin à destination…dans une ville effervescente et poussiéreuse...puis dans les bureaux MSF comme projetées dans une autre dimension. Tout le monde nous accueille dans les bureaux, nous salue par notre prénom. On est attendues. Le pire, dans un premier temps, est de retenir les prénoms des nigériens et expats et de ne pas dire trois fois « bonjour » à la même personne. On est vite frappée par l’effervescence qui règne. Tout le monde s’active, parle, et tout ça pourquoi ?
Le programme MSF
MSF est ici pour prendre en charge la malnutrition des enfants de moins de 5 ans : les soigner et distribuer de la nourriture. Il y a de centres d’hospitalisation dans des grandes tentes (en cours de construction en « dur ») et des équipes ambulatoires dans toute la région où on fait des consultations, on soigne et on suit les enfants…c’est assez complexe et j’ai pas encore tout compris. Globalement, MSf essaye de s'intégrer dans les centres de santé nigériens pour pouvoir un jour passer le relais et se retirer. Il y a 2000 enfants actuellement suivis dans le programme et 60 000 sur l'année.
Ibrahima mon prédécesseur ivoirien
Quand j’arrive dans le bureau de Maradi, Ibrahima me rappelle que je suis une femme mais que les hommes restent majoritaires dans le bureau. A la maison, les femmes peuvent être emmerdantes mais au boulot c’est leur territoire…
Il me semble un peu froid au premier abord mais j’ai bien l’intention de tout savoir de lui et du boulot. En quelques jours, j’assimile un max de choses. Ibrahima me semble être quelqu’un de brillant et de juste. Il part rejoindre femme et enfants bientôt en Côte d’Ivoire. Je ne sais pas ce que je vais devenir sans lui qui connaît tout ici !!!
Il va falloir gérer 450 personnes (on atteindra 700 personnes dans quelques mois), les budgets de plusieurs millions, les contrats de travail, les relations avec les propriétaires, institutions…
Pour ce qui est d’être emmerdante (c'est mon boulot), j’y vais petit à petit. Le bureau est un bureau de garçons qui ne ressemble à rien. Je commence par ouvrir les persiennes pour avoir la lumière du jour (tant pis pour la poussière qui entre) et faire changer le néon verdâtre qui déconne, déplacer bureaux et armoires…et si je mettais un cactus sur une petite table ?
Bienvenu sur un des programmes les plus « énorme » de MSF
Dès les présentations du premier jour terminées, on part voir le centre de nutrition à côté du bureau. Il est installé sur un terrain de foot. C’est comme un hôpital de campagne dans lequel les enfants sont hospitalisés. On découvre le centre et les enfants. Certains pèsent 3 kilos à 3 ans ! C’est assez troublant mais finalement supportable parce qu’on est là pour jouer un rôle et pas seulement être témoin de cette misère. Le centre est organisé par « phase » qui porte chacune un nom d’animal (tigre, éléphant, girafe etc…) du soin intensif jusqu’à la remise sur pied. Chaque enfant est hospitalisé avec un accompagnant : parfois la grand-mère car la mère doit continuer à s’occuper de ses autres enfants. Alors ça forme souvent de drôles de binômes composés d’un très jeune et d’une très vieille.
Comment en sommes nous arrivés là ?
Au marché, il y a foison de produits et de nourriture, de légumes, de viande…En réalité, le Niger ne manque pas de ressources. Ce n’est pas un pays en guerre ou soumis à des catastrophes naturelles... La région de Maradi constitue même le « grenier » du Niger, la région où les cultures sont les plus développées. Mais les Nigériens, notamment en brousse n’ont pas d’argent pour acheter les produits. Ils sont endettés et revendent une grande partie de leur récolte. Ils consomment essentiellement du mil lequel est mélangé avec de l’eau afin de constituer le plat national : la boule. Au fur et à mesure que l’année avance, la boule devient de plus en plus aqueuse. Cet aliment est trop pauvre pour répondre aux besoins nutritionnels des plus petits…
Les causes de cette situation sont diverses et complexes. On peut citer l’organisation sociale et économique comme principale cause. Les institutions internationales ne veulent pas intervenir et faire pression sur le gouvernement nigérien pour des raisons diplomatiques et pour préserver des intérêts économiques. Reconnaître des problèmes de malnutrition reviendrait pour le gouvernement nigérien à reconnaître un problème de gestion du pays. Voilà en résumé ce que j’ai compris de la situation.
La démarche
MSF intervient d’habitude de façon ponctuelle sur des urgences (catastrophe naturelle, guerre, …) avec une force de frappe conséquente. Au Niger, c’est un peu particulier car MSF est là depuis des années et mène une réflexion de fond sur la prise en charge de la malnutrition. L’objectif est de témoigner, sensibiliser et de passer le relais localement mais aussi d’étendre la stratégie à d’autres pays touchés par la malnutrition. La clé de réussite repose sur un produit phare : le Plumpy-Nut. Il s’agit d’une pâte d’arachide enrichie qui couvre les besoins nutritionnels des enfants conditionnée dans des petits sachets et consommée sans eau. Le Niger est un peu un pays test : si la prévention de la malnutrition est rendue possible par ce produit, il pourra être utilisé partout. La démarche d’MSF consiste à convaincre le gouvernement nigérien de demander l’aide internationale et aussi à faire baisser le prix du Plumpy-Nut. Photo : savons distribués aux mamans
La peur de l’urgence
C’est un peu flippant car en ce moment le programme est…calme et ça ronronne plutôt. Aucune insécurité et pas véritablement d’urgence. Mais chacun se prépare…au rush : bientôt, on sera dans la période de crise de l’année et les enfants afflueront... les statistiques prévues sont alarmantes.
On sait qu’on ne pourra pas faire face : il faudrait 200 camions et décharger 1 sac toutes les 3 secondes pour nourrir tout le monde…Moi qui ne sais pas à quoi ça peut ressembler, j’appréhende un peu. C’est comme l’accalmie avant la tempête et je pressens que tout ce qui est en place au niveau de la compta et de la gestion du personnel va exploser si on doit gérer plus de monde…
Une équipe de choc
Sanoussi, Amadou, Aliou et Abdoulaï 4 gaillards nigériens qui sont mes assistants au quotidien pour gérer les activités d’MSF. J’ai déjà mis bien deux jours à retenir leur prénoms. Je leur pose dix questions à la minute. Sur le papier je suis leur manager mais en réalité, ce sont eux qui disposent de la connaissance.
Ensemble on va gérer les 450 employés nigériens qui travaillent ici, les contrats, les payes mais aussi faire la comptabilité, gérer les budgets et les dépenses…
Ils ont l' air très sérieux surtout Sanoussi le comptable qui est très timide. Je ne comprends pas bien quand il parle (je le taquine en disant qu’il a la bouche pleine de dents !). Quand il sourit, c’est toute l’Afrique qui sourit dans son visage. Aliou est plus âgé et "émancipé". Il s’énerve contre les Nigériens qui sont un peu moins érudits et sa foi c’est le travail. Je connais moins Amadou et Abdoulaï pour l’instant.
La journée type
Les premiers jours, je suis réveillée à 5h30 par le chant de l’imam de la mosquée qui est juste derrière ma case ! Allah Akbar, Allah Akbar, Allah Akbar, Allah Akbar (Allah est grand).
Le premier jour j’ai même failli tomber du lit tellement c’était fort. Maintenant je ne l’entends pas systématiquement. Chacun se prépare et part au boulot ou sur les sites entre 6h30 et 8 heures jusqu’à 13h. Il y a tout le fonctionnement à gérer et des milliers de petits soucis en plus à régler. Ca n’arrête pas. Je suis interrompue tout le temps…
Après, on peut faire la sieste et reprendre jusqu’au soir. En réalité, il n’y a pas de vraies coupures puisqu’on vit et on travaille ensemble. On parle donc quasiment tout le temps du programme. Le dimanche, on arrête et on dort ! Photo : le bureau
Les délégués du personnel et le maraboutage
En tant qu’administratrice, je vois régulièrement les délégués du personnel élus par les salariés. Lors de la première réunion, il était question des salaires, des formations du personnel et de… maraboutage ! Un employé a été licencié pour avoir caché le vol de moustiquaires dans un stock mais en réalité ce n’est pas de sa faute puisqu’il a été marabouté... Une fois marabouté vous n’agissez, ni ne parlez plus librement !
J’ai ouvert des yeux comme des billes et me suis pincée pour ne pas rire ou même sourire. Surtout pas. Il faut sans cesse composer avec la culture traditionnelle africaine, c'est passionnant et surprenant.
Petites histoires entre employés
Je dois souvent faire face à des plaintes de superviseurs ou d’employés qui dénoncent leurs collègues pour retard, absence…Je convoque les deux personnes et confronte leurs témoignages. Quand les gens ne parlent pas français, je désespère et je cherche un interprète. Parfois ils s’engueulent et je tempère…ce sont des situations délicates et je dois rester impassible, sortir le règlement intérieur et trancher en disant « vous devez venir tous les jours au travail », « non vous ne pouvez pas envoyer votre frère à votre place quand vous vous absentez… »…
Le dilemne humanitaire - employeur
La clé de réussite c'est de connaitre le règlement intérieur par coeur et d'être le plus juste possible. J'ai bien compris que dans la plupart des discussions , il n'y a pas de place ni pour l'affectif, ni pour les exceptions.
C’est dur d’être à la fois employeur et aussi humanitaire : je ne peux quand même pas virer les gens comme dans une vulgaire entreprise privée ? Ou refuser de payer un salaire et mettre toute une famille en difficulté parce que l’employé a oublié un papier ? En même temps, la machine doit tourner et pour cela être efficace. Je ne suis pas là pour créer des emplois.
Un monde sans noms de famille
Ici pas de nom de familles ! Les noms sont des suites de prénoms : le sien, celui de son père et/ou mari…en bref, tout le monde s’appelle Mamadou Sani Mahamane, Abdou Mamane Sanoussi…à moins que cela ne soit Salissou Mamane Idi….mais qui peut aussi se faire appeler Salissou Idi Mahamane Sani…
Quand on se parle au téléphone, ça donne parfois des dialogues de sourds : « oui tu sais l’assistante nutritionnelle qui est en congé, faut la remplacer par Salissou Chapatou, hein , ha oui non Salissou Chapatou c’est pas la même, quoique oui, non je confonds avec Salissou, c’est quoi son vrai nom, mais t’es sûr que c’est pas Chapatou qui a remplacé Saloussi ?…OK, attends, j’arrive. »
Bref, pratique pour gérer les 450 personnes. Je me lance dans un énorme travail de création de mise à jour et classement des dossiers du personnel (avec des numéros !). Pour ça, on renforce l’équipe de 2 FEMMES ! La révolution au bureau !
Chaque employé devra disposer d’un dossier avec ses contrats de travail, ses actes de naissances, ses diplômes dans le cas des médicaux, une photocopie de sa carte d’identité s’il en a une.
Notables
Afin d’entretenir de bonnes relations avec le propriétaire qui nous loue les entrepôts, je dois aller le rencontrer. Ce gros monsieur tout de blanc vêtu me reçoit chez lui. Quand j’arrive, il est installé comme un pacha sur des coussins. Les mauvaises langues disent qu’il ne bouge pas de là toute journée.
Il me reçoit dans son bureau qui ressemble à un bureau de ministre africain et je passe littéralement un entretien avant que lui-même ne m’énumère son propre CV et surtout son carnet d’adresse d’industriels français…En attendant, ce milliardaire qui possède des quartiers entiers de Maradi est également endetté auprès de l’état et je dois l’informer qu’MSF doit se soumettre à une décision de justice et payer le loyer directement auprès de l’huissier…
Le banquier
Munie de ma lettre signée de la main du directeur de MSF m’autorisant à avoir accès au compte bancaire, me voilà devant la BOA (Banque of Africa) pour rencontrer le banquier. C’est très protocolaire. Je dois veiller à ce qu’on ait de l’argent à la banque (transfert depuis Niamey) et au coffre (notamment pour les payes). Je suis la seule à avoir le pouvoir bancaire avec ma responsable et la clé du coffre…va pas falloir que je sois tête en l’air. Les sommes sont colossales pour un programme de cette ampleur.
Jour férié à l'africaine
Hier après-midi soudainement, la radio annonce que l’après-midi est fériée car les tournois de lutte traditionnelle commencent ! Ca n’a l’air de rien comme ça mais comment faire l’inventaire de toutes les personnes qui ont travaillé cet après-midi pour calculer les salaires en fin de mois. Et puis comment gérer un absentéisme soudain dans les centres !
Le règlement intérieur MSF prévoit aussi des congés pour mariage, c’est 6 jours pour le premier puis 3 jours pour les mariages suivants (jusqu’à 4 pour un homme). Sur les actes de mariage, on peut même voir le montant de la dot (la somme payée par le mari pour « acheter » la femme).
Il fait trop chaud pour travailler
Au début, je maudis la poussière qui rend l’air sépia, créée perpétuellement un voile devant nos yeux et nous dessèche tout le corps, des narines aux orteils. Je me dis que dans 6 mois je ressemblerai à la viande séchée de chameau qu’on mange le soir à l’apéro ! En plus, le matériel informatique et médical souffre. On doit tout couvrir de tissu.
Mais finalement cette poussière, due à des vents dans le désert (Harmattan), a du bon : elle crée comme un bouclier qui protège du soleil et il fait moins chaud !
Quand elle disparaît, on passe de 25°C à 40°C.
Il fait même 45°C par moment mais l’air est tellement sec qu’on le supporte. Bientôt, je me demande ce que donnera la saison des pluies et son lot d’humidité…
Bonne arrivée
Dire bonjour prend du temps ici. En général, cela ne se résume pas à un seul « bonjour » mais à une suite de questions du type : « Et la famille ? », « Et le travail ? », « Et la chaleur ? » « Et la santé ? »…
Et on recommence quand on ne s’est pas vu depuis quelques heures. Cette pratique me rend bien service étant donné que je confonds complètement les personnes. Ce n’est pas gênant de saluer plusieurs fois la même personne. Ouf ! On dit aussi « Bonsoir » dès midi passé.
Quand on arrive quelque part ou qu’on va quelque part, on se souhaite aussi : « Bonne arrivée » ! C’est mignon. Au début je croyais que les gens me disaient ça parce que j’étais nouvelle dans le coin. Mais non, on se dit ça ici.
Les touaregs qui dansent la salsa
Un soir, on va faire la fête avec des amis touaregs. C’est assez épique pour arriver dans le sable jusqu’au lieu de rendez-vous mais une fois arrivés, nos amis touaregs nous chouchoutent : ils font cuire du pain directement dans le sable qu’on émiette ensuite avant de le mélanger à des légumes et de la viande. C’est comme un couscous sauf que la semoule est du pain. C’est un peu « clough » mais ça passe bien avec le thé fort et sucré préparé dans des minuscules théières sur le feu.
On met de la musique et les touaregs, timides au départ finissent par danser comme des fous avec nous en soulevant leurs robes. Leurs sourires et leurs yeux qui émergent de leurs chèches sont inoubliables.
On est là au milieu de la brousse, éclairés par la lune, en train de danser autour du feu sur Manu Tchao avec des touaregs, au-delà des frontières, des couleurs de peau, des cultures ! Une précieuse étincelle d’humanité qui permet de décompresser et d’oublier l’horreur des Hommes, des préjugés et du racisme. Ceci dit se cachent peut-être parmis eux des rebelles qui ont aussi tué des gens...Tout n'est jamais ni tout blanc ni tout noir.
Maradi et sa fabrique de tongues
Maradi est une ville agitée qui grouille de petits commerces, une véritable plaque tournante du business avec le Nigéria voisin. Il y a une fabrique de tongues, de nattes et d’huile. Mais quand on parle de fabrique, c’est parfois dans la rue que ça se passe : les gens sont installés et fabriquent les nattes sur le sable.
Pour l’instant je n’ai pas eu beaucoup le temps de me balader à Maradi et c’est assez épuisant de marcher dans la rue avec la chaleur et la poussière. J’ai juste vu le marché et acheté…des tongues justement !
La burka et le boubou
Les vêtements sont assez surprenants : grosso-modo les couleurs africaines éclatantes dansent sur les tissus. Mais dans une société Islamique, les femmes sont souvent aussi voilées. Dans certains cas, on voit les femmes en boubou avec un voile par dessus. Les vêtements s’adaptent à la vie : certaines burkas disposent d’une fermeture éclair dans le dos pour que la mère puisse porter son enfant.
Petits arrangements avec Allah
Mon équipe s’absente régulièrement pour prier (toutes les 2 heures). Mais Aliou, mon « caissier » est moins discipliné. Il m’explique que cela n’a pas d’importance et que ce ne sont pas les apparences qui comptent : Allah note tout et fait une moyenne. Si on a manqué des prières, on peut se rattraper en ayant bien travaillé par exemple...
La tanière
MSF loue des maisons à Maradi pour notre logement, nos bureaux. Je loge à maison 2 à Maradi.
Je commence par dormir dans une case en bois sur un sol de sable (comme au Club Med !) qu’MSF a construit dans le jardin d’une des maisons pour l’agrandir. Mais le lit (un lit du CRENI - notre hôpital) est vachement haut sur pattes et trop court. Maintenant, je partage une petite chambre avec Geneviève. On discute beaucoup de nos impressions, de l'équipe surtout pendant cette première période de flottement où on se demandait un peu ce qu'on faisait là.
On a du personnel à la maison et ça m’a mis mal à l’aise au départ. Le lavandier Mamane, le gardien Sani, le cuisinier touareg Abdou (photo) qui nous fait même de la glace à la banane-mangue-chocolat… Mais finalement vu le rythme de boulot que je découvre bientôt, je bénis Abdou et Mamane de nous chouchouter. Abdou nous dégote du chocolat dans une boutique libanaise et du fromage. Si on peut l'éviter, autant ne pas souffrir pour faire de l’humanitaire !
L’équipe « d’expats »
En dehors de mes assistants, je travaille avec des logisticiens, des responsables terrains et bien sûrs des médicaux. Il y a beaucoup de nigériens et c’est très agréable. Les autres sont des expats comme moi de France, d’Europe, d’Afrique…Ca représente une équipe d’une trentaine de personnes. Je vous en dirais plus quand je les connaîtrais mieux.
Certains expatriés ont l’air plus usés et desséchés que d’autres. Chacun a sa personnalité. Parfois ça fait des étincelles et il existe des tensions dont je ne comprends pas encore bien les raisons. Dès que je peux, je m’isole pour ne pas saturer. Je ne sais pas ce que ça peut donner après plusieurs mois. C’est un peu comme le loft en quelque sorte !!
Sur les traces de Geneviève
Quand j’en ai ras le bol, je monte sur le toit du bureau regarder les gens qui passent ou je pars dans le centre de nutrition voir Geneviève et je la suis dans ses consultations. Je vois les mamans et leurs enfants, les sourires, la détresse parfois mais dans tous les cas, ça me redonne du courage pour le boulot. Les mamans nigériennes font ce qu’elles peuvent avec ce qu’elles ont. Ca m'agace d'entendre certains des occidentaux dire que les mamans ne savent pas s'occuper de leurs enfants.
Ici, on s’accroche à la vie. Des petits bouts qu’on pense disparaître pendant la nuit sont encore là le lendemain. Les poids et taille, les niveaux d’anémie atteignent des sphères incroyables. Dans la tente « Tigre » où les enfants remontent la pente, on les voit jouer, marcher vers vous en titubant avec des larges sourires. C'est un pied de nez à ceux qui affament la population.
Photo : Vue du toit, enfant quasiment invisible.
Trafic de petites culottes
Mamane lave notre linge régulièrement…sauf les sous-vêtements…de femmes. Islam oblige, il ne doit pas toucher ce type de choses. On lave donc chacune nos culottes ou on les regroupe pour les faire laver dans une autre maison. Chaque semaine il y a donc une collecte de petites culottes ! Un jour Mamane est venu vers moi avec un sourire très embarrassé. Il s’approche et me tend entre ses mains deux culottes les plus cachées possibles. Et là, il était encore plus désemparé car je lui dis « Mamane, ça n’est pas à moi ».
Sur le chemin de l’école
Mon petit plaisir du matin, c’est d’aller au bureau ! En fait, j’aime le chemin qui va de la maison au bureau mais seulement au petit matin quand la lumière est douce : je marche dans le sable à la rencontre du berger avec son troupeau de chèvres, des enfants qui jouent au foot (les buts sont délimités avec deux tongues), de l’école coranique, des endormis sous un arbre, des femmes qui pilent le mil avec leur grand pilon en bois, des silhouettes de femmes et tissus qui volent au vent, des beaux sourires parfaitement émaillés ou édentés.
L’air et la lumière sont encore doux. J’ai l’impression de traverser une crèche ou une image biblique. Pas de panique, je n’ai pas encore été illuminée ! C’est juste une impression de sérénité, de douceur avant la dureté de la journée.
Collecteurs d’enfants
Comme à Madagascar, les enfants sont nombreux et viennent systématiquement vous voir dans la rue. Ils rient, vous parlent, vous prennent la main, un, puis deux, cinq, dix enfants vous suivent bientôt.
La vaccination
Il y a un autre programme MSF qui gère la vaccination contre la méningite qui sévit en ce moment. Tous les gens entre 5 et 30 ans doivent être vaccinés !
J’accompagne les équipes dans les écoles. Ils bossent comme des fous. Certains jours, jusqu’à 9000 personnes sont vaccinées ! Mais certains islamistes ont fait croire à la population qu’on venait les piquer pour les stériliser !
La fille qui administre ce programme d’urgence est celle avec qui j’ai passé mon 1er entretien chez MSF ! Que c’est drôle de se retrouver sur le terrain !
Un ordi sous la moustiquaire
Je vous écris depuis ma moustiquaire comme Geneviève (photo) : j’ai emmené le portable à la maison pour écrire tranquillement. C’est le seul endroit où je me retrouve, comme dans une bulle qui m’isole du monde !
Bon voilà pour ces premières nouvelles. J’avais envie de vous raconter toutes ces news et anecdotes…bravo pour ceux qui ont tout lu ! C’est très chouette de travailler avec les Nigériens qui sont accueillants comme tout. Mais je pense fort à vous, je suis là depuis 10 jours et ça me semble déjà une éternité !
Il y a un autre programme MSF qui gère la vaccination contre la méningite qui sévit en ce moment. Tous les gens entre 5 et 30 ans doivent être vaccinés !
J’accompagne les équipes dans les écoles. Ils bossent comme des fous. Certains jours, jusqu’à 9000 personnes sont vaccinées ! Mais certains islamistes ont fait croire à la population qu’on venait les piquer pour les stériliser !
La fille qui administre ce programme d’urgence est celle avec qui j’ai passé mon 1er entretien chez MSF ! Que c’est drôle de se retrouver sur le terrain !
Un ordi sous la moustiquaire
Je vous écris depuis ma moustiquaire comme Geneviève (photo) : j’ai emmené le portable à la maison pour écrire tranquillement. C’est le seul endroit où je me retrouve, comme dans une bulle qui m’isole du monde !
Bon voilà pour ces premières nouvelles. J’avais envie de vous raconter toutes ces news et anecdotes…bravo pour ceux qui ont tout lu ! C’est très chouette de travailler avec les Nigériens qui sont accueillants comme tout. Mais je pense fort à vous, je suis là depuis 10 jours et ça me semble déjà une éternité !
2 commentaires:
excellent tout ça !
y'a des photo tres sympa :)
je me lis les autres pages dans la semaines !
bisoux !
trés sympa de lire ces articles !!
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