Episode 7 - Septembre 2006

Fin de mission
Tout a une fin et celle-ci sera arrivée très vite… Mes sentiments sont partagés : envie de rentrer chez moi et tristesse de quitter le Niger et les personnes à qui on s’est attachées…
Entre expats, on a une chance de se revoir en France ou sur une autre mission mais qu’en est-il des nigériens ? Amina, Sanoussi, Sabiou,… je crois bien que je ne les reverrai jamais, à moins que… Il ne faut pas y penser. Heureusement, ma position d’administrateur m’avait amené à prendre une distance avec les personnes qui m’entouraient comme je l’aurais fait dans mon travail en France aussi. Mais tout de même Amina, Sanoussi, Sabiou,…

Passation de la passion
Finalement le renfort de l'équipe est impressionnant...au moment où je pars...je suis remplacée par 4 personnes ! Une responsable des ressources humaines (avec 700 personnes ça semble justifié), une responsable des budgets, deux administrateurs (un sur chaque terrain Maradi-Tibiri, ouf), et l’équipe de Tibiri est renforcée d’un assistant nigérien. Je les aurai attendu ces renforts !
La passation, ça me plait : j’ai le sentiment rassurant de passer le relais, de pouvoir dire ce que j’ai fait et surtout ce qu’il reste à faire ou que j’aurais aimé faire. Je ressens une frustration car le fonctionnement au quotidien prenait tellement de temps que je n’ai pu m’attaquer à des chantiers « de fond » qui me préoccupaient pourtant. Qu’est-ce que j’aurais aimé moi aussi faire partie d’une équipe plus étoffée, surtout au moment où la crise battait son plein. Je crois pouvoir dire, quand je regarde en arrière, que j’étais en survie face à la charge de travail. D’un autre côté, il ne faut pas s’en faire : avec ou sans vous, la machine tourne.

Maradi mon amour
Maradi a beau être poussiéreuse, effervescente et me sortir par les trous de nez, je me rends compte avec un petit pincement au cœur que je m’y suis attachée. Ses petites supérettes, son marché, ses tailleurs sur le trottoir, ses rues, ses vendeurs de poulets, ses vendeurs de vieux habits (tout droit arrivés de France), ses voitures débordantes de chargement en tout genre, ses sourires, ses marabouts, ses mosquées, …l’ambiance africaine.
Et le tressage des nattes chez Tantie Micheline avec Amina ??
Elle fait des tresses en tous genres. Avec la chaleur c’est super, ça aére le cuir chevelu. Mais Amina dit que si elle avait mes beaux cheveux, elle ne ferait pas de tresses africaines, elle les laisserait voler au vent. Ben oui, mes cheveux ressemblent aux rajouts que les africaines se font poser pour avoir les cheveux longs et lisses. Photo : tressage dans la brousse

Et la brousse, les heures de pistes pour atteindre les villages isolés, simples et accueillants. Ils vont me manquer les énormes paniers à grain, l’énergie des enfants qui sont comme une vague de rire qui vous submerge, les murs de terre battue, les paysages désertiques puis verdoyants, le salut des vieux, les mosquées rutilantes au milieu des villages en terre. Les ballades à vélo dans la campagne au milieu des vaches, carrioles, chèvres…

Et les enfants ? Ces petits bouts décharnés pour qui on se bât tous ici ? Leurs visages et leurs yeux qui sourient parfois, qui disent tout de leur souffrance, de leur impuissance et de leur fatalisme. Ils ne disent pas un mot, ce sont leurs yeux qui parlent.

Et les discussions à n'en plus finir sous l'arbre de la maison ? L'effervescence à l'arrivée des colis des proches ? Les emportements, les discours passionés ou sceptiques ? Les rires, les fous rires, les larmes...
Ce qui ne me manquera pas par contre, dans le désordre : la tricherie et la corruption, la charge de travail, la chaleur qui vous liquéfie, la poussière qui vous dessèche, les moustiques et la moustiquaire qui va avec, le goût de l’eau filtrée, les doutes etc...

Un départ en fête
Les départs se soldent par une fête. Une grande fête la plus « tape à l’oeil » possible. On est triste de partir, on n’a pas envie de faire une fête mais ici ça n’est pas possible : le staff MSF ne comprendrait pas qu’on ne fasse pas une fête, qu’on n'offre pas à manger et à boire une dernière fois. Alors là il faut en mettre plein la vue pour être crédible : la viande à profusion, la boisson également, la musique le plus fort possible pour danser le plus possible, les discours au micro. Les invités, eux se chargent de vous couvrir de cadeaux que vous n’utiliserez sans doute jamais (pagnes, boîtes à maquillage, objets de décoration…) mais qui touchent énormément comme ce jeune que j’avais embauché peu après être arrivée qui m’offre une copie conforme de son chapeau et un bracelet aux pouvoirs magiques... On peut faire la fête au CRENI (hôpital) mais ça me dérange de faire la fête dans un hôpital alors ce sera à la maison 2. Tout le monde s’y est mis pour décorer la maison. L’équipe monte la tente, accroche les loupiottes, prépare le bissop (boisson à base de fleurs d’Ibiscus), cuisine…
L’équipe maison Tibiri offre la sono en guise de cadeau de départ. Mais ce n’est pas pendant la fête qu’on partage le plus, c’est après : le lendemain, le surlendemain, quelques nigériens me rejoignent dans la maison pour s’asseoir et discuter en dehors du travail une dernière fois. Ils ne sont pas nombreux mais ce sont les plus touchants, les plus proches. Amina est bien venue 3 fois et est repartie en sautant dans son taxi avec des larmes dans les yeux ! Elle a la coiffure Bouboule création spéciale de Tantie Micheline.

C’est l’heure du départ
Le départ est émouvant. D’abord, il est très tôt ce matin là et malgré tout, l’équipe s'est levée pour dire au revoir. Embrassades, on se serre dans les bras, il ne faut pas s’attarder, en rajouter, partir vite avant d’être submergée d’émotion. Anne, Olivier, Géraldine, Aurélie, Nicolas, … je n'oublierai pas ces au-revoirs avant de rejoindre la vie d'ici...la vraie vie ?? Ne pas se retourner ? ça je sais pas faire. Ca doit être génétique. Il faut que je dise au revoir, que j’agite ma main par la fenêtre jusqu’à ce que mes amis ne soient plus que des petits points au loin. Je me dévisse le cou pour être bien sûre qu’après le virage je ne peux pas encore les apercevoir. Content de partir, triste de partir, on ne sait plus trop. Mais enfin seuls dans la voiture on peut pleurer. Michela l’infirmière qui part avec moi pleure beaucoup. Elle se dit que sa vie est ici, que son entourage ne va rien comprendre à ce qu’elle a vécu à son retour, elle se demande ce qu'elle fait là à partir. J'appréhende un peu aussi. Je ne dis rien mais tout est chamboulé en moi.

Après on pense à ce qu’on va retrouver : le visage de ceux qu’on aime et qu’on a égoïstement laissé dans l’angoisse pendant des mois, son chez soi, ses proches de manière générale, ses amis, ses affaires, ses repères...

Au revoir équipe de Sae Saboua






Au revoir équipe de Safo







Au revoir équipe de Guidan Sori
Et aux plus de 10 autres équipes...

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